Chapitre 1

fortifications  sommaire 

Description topographique de Barbonne

Faute de renseignements positifs et de mémoires certains sur les temps anciens, il est absolument impossible de ne rien découvrir d'assuré sur l'époque de la fondation ni sur le commencement de Barbonne ; certains monuments druidiques qu'on a trouvés sur le territoire et dont il sera parlé au dernier chapitre nous donnerait lieu de croire que tout ce pays était autrefois couvert de forêt où les gaulois s'enfonçaient pour leurs cruels sacrifices : tous les titres qui nous restent jusqu'en l'an 1724 lui donnent le titre de Ville, ainsi que plusieurs géographes anciens et modernes.
On lit encore sur un très vieux manuscrit que son nom primitif était Bar-sur-Bois, à cause de l'immense étendue de bois qui en est à quelques distances du côté de l'ouest et qui paraît avoir été, il n'y a pas longtemps encore, bien plus considérable qu'elle n'est aujourd'hui.

Comment et à quelle époque ce nom a-t-il été changé ? L’auteur du même manuscrit prétend que ce changement est dû à un Thibault, Comte de Champagne, qui voulut ainsi témoigner aux habitants sa satisfaction pour leur constante fidélité et la bonne réception qu'il aurait reçu chez eux, mais il ne marque pas quel est ce Thibault. Ce qui est certain c'est que le nom de Thibault a toujours été cher et en vénération à Barbonne.
Depuis tous les désastres que le pays a essuyé dans le cours du XV, du XVI et du XVII siècle, Barbonne n'est plus qu'un bourg, il est sans importance, situé à l'extrémité Sud-Ouest du département de la Marne et l'arrondissement d'Epernay au I° degré 22" de longitude est, et du 48° degré 40 " de latitude nord, à un peu plus de 6 myriamètres sud-ouest de Chatons, à 5 myriamètres sud-sud-ouest d'Epernay et à 8 kilomètres sud de Sézanne, son chef-lieu de canton.

Il est bâti sur une petite hauteur à l'est de la belle Forêt de la Traconne sur la route Royale n°51 de Givet à Orléans, au point de départ du chemin de grande communication de Barbonne à Troyes par Romilly-sur-Seine, dans la partie de l'ancienne province de Champagne appelée Brie Champenoise.

Ce pays, dit l'Abbé Leboeuf, situé dans la Gaule celtique faisait partie de ce qu'on nomme plus tard Pagus meldentis, parce qu'on y suivait la coutume de Meaux, il formait la moitié de l'archidiaconé de Sézanne au sud, comme l'autre moitié au nord était désigné sous le nom de Pagus Brigiensis. Peut-être Barbonne était-il compris dans ce qu'on appelé alors Tentena cupedentis dont on prétend Quedis était le chef-lieu. Ce village serait bien déchu aujourd'hui de son importance.
La route royale en arrivant par le nord partage le pays en deux parties égales jusqu'au centre, et près de la place dite de la Liberté, où commence le chemin de grande communication qui continu vers le sud, tandis que la route s'avance à l'ouest puis au sud-ouest pour sortir du pays. D'autres rues assez bien alignées et bien pavées, généralement propres, quoique un peu étroites coupent pour la plupart Barbonne en deux sens, ce qui lui donne un aspect sinon élégant du moins assez agréable.

Dans l'intérieur, plusieurs belles vastes places situées en différents quartiers favorisent la circulation de l'air et contribuent à la salubrité. La plus grande et la plus régulière est la place de la Halle au midi de l'église et qui présente un parallélogramme d'environ 35 mètres de long sur 30 mètres de large. Elle est unie par une rue à une autre place qui se trouve à l'est de cet édifice et qui peut avoir 25 mètres de longueur sur 20 mètres de large. Cette dernière place offre une fort belle plantation de tilleuls et sert d'emplacement pour les jeux publics, mais il est à regretter qu'on l'ait choisi pour cette destination se trouvant précisément entre le cimetière dont le silence ne devrait jamais être troublé et l'église dont le respect est trop souvent oublié. La troisième est située dans la partie nord-ouest du pays et se nomme la place à l'oie, elle est moins agréable que les précédentes à cause du terrain peu uni et fort en pente où elle se trouve. Enfin la quatrième est la place de la Liberté au centre de Barbonne et au point de réunion du chemin de grande communication avec la route royale. Elle est la moins propre à cause d'une mare d'eau croupissante qu'on y conserve.
Bien différent de la plupart de nos villages ça et là quelques maisons isolées et répandues sur une vaste étendue, Barbonne est un pays très rosser dont toutes les habitations touchent les unes aux autres et il n 'offre à l'intérieur que bien peu de terrain de culture. On y trouve des jardins et des vergers qu'en petit nombre et seulement près des anciens remparts.

Les maisons n'ont généralement qu'un rez-de chaussée et quelques-unes un premier étage, surtout celles qui se trouvent sur la route Royale ; mais elles sont toutes bâties solidement et en pierre dures tirées de côtes voisines et sont couvertes en tuiles plates ainsi que toutes leurs dépendances. Il n'existe plus de construction en bois que quelques anciennes maisons épargnées dans les différents incendies qui ont plusieurs fois affligé Barbonne et l'ont détruit en grande partie. Deux d'entre-elles conservent encore en dehors et après les poteaux qui soutiennent des saillies, des figures grossièrement sculptées telles qu'il s'en trouvait anciennement à toutes les maisons ce qui devait donner au pays un aspect fort original. Toutes ces figures qui, dit-on, représentaient des saints, ont été détruites ou entièrement mutilées pendant la révolution de 1793 par ordre des autorités ou district de Sézanne, et il n'y eut de conservées que celles dont il vient d'être parlé.

Incendies arrivés à Barbonne

Il ne sera question dans cet article que des incendies accidentels qui ont eu lieu à Barbonne, il sera fait mention ailleurs des dégâts qu'il a éprouvé par suite de guerre. La plupart des maisons étant autrefois couvertes en paille, et le pays manquant d'eau, il paraît que les incendies y ont toujours été fréquents et ont presque tous causé de très grands ravages mais tous ne sont pas connus. On lit sur une pierre d'une des maisons de la rue du Prétoire : "J'ai été brûlée en 1500", c'est tout ce qu'on peut en savoir , parce qu'il ne nous en reste aucun mémoire, ni aucun détail.

Le premier incendie dont on ait une connaissance positive et détaillée est celui qui arriva le 19 janvier 1624. La foudre étant tombée à midi sur la flèche de l'église, le feu poussé par un vent du nord très violent se répandit sur les maisons situées au sud de cet édifice dont il consuma un très grand nombre jusqu'à neuf heures et demie du soir où on parvint à l'arrêter. Le souvenir de ce désastre s'est perpétué jusqu'à nos jours parmi les habitants de Barbonne. Ils disent avoir voir appris de leurs ancêtres que si, lors de l'incendie de la Ville de Sézanne en 1632, ils n'avaient d'abord porté aucun secours à cette ville, ils n'avaient fait que se conduire envers ses habitants comme ceux-ci avaient agi envers leur pays quelques années auparavant dans une circonstance tout à fait semblable.

Sans s'excuser assurément en aucune sorte l'esprit de vengeance qui aurait alors guidé le peuple de Barbonne, cela diminue au moins un peu et beaucoup même tout l'odieux de cette indifférence et montre en même temps combien l'auteur de la notice sur Sézanne qui a paru en 1837 a agi plus que légèrement en avançant d'un ton pédantesque que pendant que "toutes les villes et bourgs voisins furent touchés de son malheur, il n'y eut que son ancienne émule, cette petite Carthage Barbonnaise qui crut glorieusement pouvoir s'élever sur ses ruines. S'enrichir de ses dépouilles, et à la lueur de son feu, tirer son nom de l'obscurité ; mais que bientôt après, elle revint à des meilleurs et moins ambitieux sentiments, elle avoua franchement, comme le rustique de l'Eglogue, qu'elle se trompait en ses comparaisons et prenait encore plus mal ses mesures". Tout homme de bon sens qui a lu l'ouvrage de monsieur P.S.B. jugera si c'est là de l'histoire et si c'était la peine de sortir de son style ordinaire ou plutôt de sa platitude habituelle pour donner dans le ridicule et se jeter dans l'absurde. Un historien doit dire la vérité, mais la dire pour tous, il doit faire connaître les fautes de ceux dont il parle, mais non point les aggraver, encore moins en faire une source de calomnies. Nous prions instamment Monsieur P.S.B. de nous apprendre où il a vu que sa Carthage Barbonnaise ait jamais voulu s'enrichir des dépouilles de la Ville de Sézanne. Il pourra trouver plus bas tout le contraire de ce qu'il avance.

Le 10 février 1637, un autre incendie éclata à Barbonne ; il y eut une douzaine de maisons brûlées. Le feu avait pris à onze heures du soir dans une étable située près de la pointe orientale de l'Eglise, et où était couché un mendiant de Fontaine-Denis qui fut entièrement consumé dans les flammes parce qu'il était impotent et qu'on ne s'aperçut du feu que lorsqu'il était plus temps de lui porter secours.
Le 29 novembre 1698, un nouvel incendie dévora en peu de temps un nombre considérable de maisons qui étaient toutes en bois et couvertes en paille ou en bruyère ; il y eut encore un homme et plusieurs enfants qui y perdirent la vie.

Le 25 avril 1705, à 9 heures et demie du soir , le feu éclata tout à coup dans un pressoir situé près de l'église ; il y eut un homme retenu au lit par la maladie qui mourut de frayeur par la "vision des flammes qui consumaient un si grand nombre de maisons et en entendant les cris des animaux dont on ne put sauver aucun. C'était le premier marguillier d'honneur et le syndic perpétuel de Barbonne il se nommait "Hardy".

Le 27 mars 1720, Barbonne éprouva le plus terrible désastre qu'elle eut essuyé depuis 1624. Le feu prit dans une maison de la rue Chevreuse, envahit bientôt dans le quartier sud-est, parvint jusqu'à l'église qui fut une fois encore détruite en partie ainsi que 80 maisons et la halle placée au midi de l'église.

Mais ce n'était encore que le prélude d'un autre plus terrible qui arriva 10 ans après, le 27 août 1730. Quelques enfants ayant eu l'imprudence de faire du feu dans la ruelle du Haut-Pas, il vola des étincelles dans les maisons et les granges voisines, comme on était encore au plus fort de la chaleur et que la sécheresse était grande, l'incendie devint bientôt d'une violence extrême, détruisit entièrement le couvent de la Chapelle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas ainsi que 160 maisons, fit périr un très grand nombre de personnes, et ne s'arrêta qu'à la rue qui est maintenant la route Royale, en face de l'Eglise.

A la suite de cet immense incendie, il se déclara à Barbonne une espèce d'épidémie qui fit beaucoup de victimes et qui sévit surtout contre les enfants de 10 à 12 ans, dont il mourut près de cent.

Depuis cet épouvantable désastre de 1730, on ne voit pas qu'il en soit arrivé de bien considérable jusqu'en 1827 où le feu prit encore à l'extrémité ouest de Barbonne, brûla cinq maisons avec toutes leurs dépendances et endommagea fort un pressoir situé dans ce quartier. Il y eut cela de remarquable que ce dernier incendie, une grande partie des hommes étant absents du pays à cause des moissons de la Brie, se furent les femmes qui se mirent à l'oeuvre avec une ardeur incroyable, firent l'office des pompiers, et contribuèrent beaucoup par leurs efforts à empêcher de plus grands dégâts.

Fortifications de Barbonne


La surface de Barbonne d'une forme irrégulière et se rapprochant d'un ovale aplati vers le sud contient environ 235 000 mètres carrés, non compris ses dépendances. Sa longueur du nord au sud est de 500 mètres, sa largeur de l'est à l'ouest est de 390 mètres vers le centre et de 550 mètres plus au sud.

Autour de cette enceinte existaient autrefois des fossés larges et profonds et une double ceinture de murailles qui pouvaient en faire une place de quelque résistance, avant la découverte des armes à feu. Les fossés avaient sept mètres de largeur et un peu moins de profondeur, le mur extérieur avait un peu plus d'un mètre d'épaisseur et environ 6 mètres d'élévation, le mur intérieur était de la même épaisseur mais moins élevé ; entre cette double muraille il y avait un espace libre ou chemin de ronde d'environ 3 mètres de largeur. On avait pratiqué dans le mur extérieur des meurtrières à hauteur de tir et élevé des tours de distance en distance et à chacun des angles. On communiquait avec le dehors par quatre portes et une potence dont plusieurs ont été démolies le 11 novembre 1739, mais qui ont toutes entièrement disparues qu'au commencement du 19ème siècle. Leur emplacement conserve encore le nom qu'elles portaient alors. Ainsi la sortie au nord est appelé la porte Saint-Jean ou porte de l'Orme; celle de l'est la porte Saint-Pierre ou Porte de Queudes ; celle du sud est la porte Saint-Antoine ou porte de Fayel ; celle du sud-ouest, la porte Saint Jacques, celle de l'ouest la Poterne ou porte Saint Michel.

Trois autres sorties existaient encore depuis qu'on eut cessé d'entretenir les fortifications, c'étaient des brèches qui y avaient été faites pendant les guerres de la Fronde.

L'une appelée aujourd'hui porte de Fontaine-Denis se trouve à 100 mètres au sud de la porte Saint-Jacques ; la deuxième est près de la Poterne ou porte Saint-Michel un peu au sud, et la troisième au sud-est de la porte Saint-Jean. Il n'existe pas maintenant d'autres issues pour sortir de Barbonne, sinon une nouvelle percée que la commune a faite au sud pour le chemin de grande communication en achetant cette année 1844 et en faisant abattre une maison particulière qui s'opposait à cette sortie.

Pendant les guerres que Charles VII eut à soutenir au commencement de son règne contre les anglais alors maîtres d'une grande partie de la France, Barbonne eut fort à souffrir de la part de l'armée du Comte de Salisbéry qui avait été nommé Gouverneur de la Champagne et de la Brie.

Après le mariage qui eut lieu à Troyes en 1422, le duc Redfot, Régent de France pour l'Angleterre et la soeur du Duc de Bourgogne, ligués contre le roi avec les anglais et le Duc de Bretagne ; tous trois se mirent en devoir de chasser de la Champagne tous les serviteurs de Charles VII, Pont-sur-Seine fut pris d'abord et la garnison passée au fil de l'épée, le Connétable d'Ecosse, Jean Stuart que le roi avait envoyé au secours de Coctivy, qui commandait pour les français ayant été défait à la bataille de Gravant près d'Auxerre en 1423, rien ne put arrêter les conquêtes de Salisbery. Mais soit qu'il ne jugeait pas la place de Barbonne digne de l'arrêter, soit qu'il trouvât une résistance trop vigoureuse de la part des habitants, il se contenta de ruiner la campagne, de mettre le feu à plusieurs faubourgs et alla mettre le siège devant Sézanne qu'il prit et ruina en partie après avoir pendu les soldats de la garnison. Montaiguillon et Vertus tombèrent également en son pouvoir et éprouvèrent le même sort.

En 1652, Barbonne éprouva de la part des Frondeurs et de leurs alliers des désastres dont le pays ne s'est pas relevé depuis. Au mois de mai de cette année, Charles IV , duc de Lorraine, à la tête d'une armée nombreuse et le Général Wütemberg avec 7 ou 8000 allemands marchant au secours du Prince de Condé alors révolté contre le roi Louis XIV encore enfant, ou plutôt contre son premier ministre, Mazarin arrivèrent aux environs de Barbonne et commencèrent par tout enlever, les chevaux, les vaches, les moutons causant partout d'horribles ravages qui ne furent que l'annonce et le prélude de maux plus grands encore. A leur retour, furieux d'avoir été battus sous les murs de Paris par le Vicomte de Turenne, ils se vengèrent sur les provinces par où ils passèrent, prirent d'assaut Barbonne qui avait voulu leur résister, brûlèrent entièrement tous les faubourgs, de sorte qu'il n'en est plus resté que le nom donné aux contrées dans lesquelles ils étaient situés. N'ayant plus rien dans un pays totalement dévasté et sans aucun asile, une grande partie des malheureux habitants qui avaient échappé au fer ennemi, se dispersèrent de tous côté, traînant partout leur misère et leur dénuement. Abattus en plusieurs endroits, les murailles ne se relevèrent plus et ne présentèrent que d'affreux monceaux de ruines qui rendaient presque impraticables les abords du pays.

Actuellement il n'en reste plus en état de conservation qu'une longueur d'environ 50 mètres avec une tour dans la partie sud-ouest. En 1830, l'Administration communale a fait disparaître la plus grande partie de ces ruines et en a fait remplir les fossés à la place desquels s'élèvent aujourd'hui de belles plantations en ormes, qui commencent déjà à former d'assez agréables promenades. Il y a encore cependant à droite et à gauche de la porte Saint-Antoine, ainsi qu'à gauche de la porte Saint-Pierre des restes de ces fossés où viennent se décharger les égouts du pays et qui ne sont plus que des mares d'une eau croupissante d'où sortent des exhalations infectes. Ce qui en reste du côté du nord sert à l'écoulement des eaux qui arrivent de tous côtés du haut des montagnes dans les temps d'orage et de grande pluie. On y a planté des saules et des peupliers qui sont d'une belle venue.

Ainsi en résumé ou à l'extérieur et du haut des collines qui le dominent surtout du côté de l'ouest, Barbonne actuel avec ses maisons au nombre de plus de 300, groupées en masse autour de sa majestueuse Eglise et les plantations récentes qui déjà commencent à l'envelopper d'une ceinture de verdure, produit un coup d'oeil qui n'est pas sans beauté et sans agrément. Il est à regretter cependant que le pays n'ayant d'autres ressources en cas d'incendie que les puits particuliers, on soit obligé de conserver en plusieurs endroits dans l'intérieur, des réservoirs qui ne différent pas beaucoup pour l'insalubrité de ceux dont il a été question plus haut.


 SOMMAIRE 

(c) 2009 Robert BOMME.